erotisme et pornographie

série: Erotisme
dessinateur / scénariste: Bourgeois Michel
éditeur: Glénat EO 1978
genre: Erotisme
classement: biblio311
date: 1978
format: broché, 156 pages
état: TBE
valeur: 20 €
critère: **
remarques: titre complet: érotisme et pornographie dans la bande dessinée

prologue
deux autres ouvrages à consulter sur ce sujet:
"l'enfer des bulles" (1968) et "les filles de papier" (1971)
la délimitation entre érotisme et pornographie
n'est pas toujours facile à définir,
la pornographie venant du grec "porne" = prostituée
pornographie = spectacle obscène, érotisme de bas étage
Pierre Louÿs aura été le pionnier et le pilier érotique d'une époque,
utilisation de la femme comme femme-objet


1/ préhistoire et histoire
début de l'érotisme dans la bande dessinée vers 1930
avec les "8-pagers" = petits feuilletons porno-érotiques
à ne pas confondre avec les bandes féministes les plus connues dont:
Connie de Frank Godwin, Betty Boop de Max Fleisher,
Blondie de Chic Young et les fiancées éternelles:
Dale et Flash Gordon, Diana et le Fantôme et même Minnie et Mickey
>> p. 19 un exemple de "8-pagers" avec Popeye (1933)
apparition en 1932 du premier nu intégral avec Jane de Mike Hubbard


2/ signes avant-coureurs d'une libération, les années cinquante
développement du courant érotisme au cours
de la 2ème guerre mondiale avec entre autre "male call",
fin des années 30, apparition des super-femelles tel que
Blonde Phantom ainsi que Futura (série SF érotique par John Douglas)
et aussi Sheena, queen of the jungle and Wonder Woman
>> p. 22 chaque série de Tarzan aura son lot de tarzannes
alors que le Tarzan de Hogarth présente une dimension
homosexuelle assez marquée (tout comme Alix d'ailleurs)
deux auteurs français vont poser les premiers jalons
de la bande dessinée érotique:
René Pellos avec Futuropolis et Raymond Poïvet a
vec les pionniers de l'espérance,
- la nudité est dure à être acceptée en France dans les années 50,
la bande dessinée restant un domaine réservée aux enfants
et contrôlée par la loi de 1949,
dès 1960 apparition de nombreuses séries érotiques
dont la célèbre Barbarella de Forest


3/ Forest: Barbarella le détonateur
d'abord publiée par Losfeld en 1964
>> p. 32 description de Forest
>> p. 33 une belle planche avec "Hypocrite"
>> p. 35 les femmes dans les oeuvres de Forest,
littérature moitié science-fiction,
moitié fantastique et bien sûr anti-conformiste


4/ Pichard, le sperme de l'image
un dessinateur pratiquement inimité à ce jour,
prend la relève de Forest en 1967 avec Lolly Strip d'abord
puis avec Paulette, Blanche-Epiphanie, Ulysse et Caroline Choléra
- c'est l'érotisation totale de l'image, un festival
de seins, de fesses et de cuisses avec son chef-d'oeuvre:
Marie-Gabrielle de Saint-Eutrope (ou Marie-Salope),
le péché puni par la pénitence où s'entremêlent souffrance et volupté,
le corps étant la source du péché doit être purifié par la punition!
les tendances féministes de Pichard:
- les blondes incendiaires (Paulette, Blanche-Epiphanie)
- les brunes pulpeuses (Circé, Lolly Strip)
- les pichardettes (Marie-Gabrielle)


5/ Paul Gillon, un professionnel pudique classique
on n'a pas besoin de déshabiller les filles pour
les rendre érotiques (Gillon dixit)


6/ Philippe Druillet, entre vie et mort
le surréalisme dans la bande dessinée, établissant dans
chaque planche sa propre définition esthétique et expressive
>> p. 53 une planche inédite de Druillet


7/ les autres avec notamment Gotlib et la dérision sexuelle
dont les explosions sexualisées

8/ Sergio Macedo
de la bande dessinée érotique exprimée en troisième dimension
avec de nombreuses variations dans la couleur

9/ Francis Masse
dessinateur dans Métal Hurlant et l'Echo des Savanes,
du morbide en noir&blanc mais pas toujours vraiment érotique

10/ Gir/Moebius, un artiste bicéphale
un univers à part, de tendance parfois underground
mais au graphisme plutôt classique


11/ les "fumetti per adulti"
spécialisés en Italie avec les petits formats érotiques,
voir même pornographiques et bon marché
des récits simplets mais parfois bien dessinés
avec une grande sélection de filles en papier
- les premiers récits créés en 1962 dont "diabolik" (Facciolo),
"kriminal" (Magnus) et "zakimort (Bozzoli en 1965),
des revues plus genre criminel que érotique, un mélange
de sexe et de mort, celles-ci seront suivies par une multitude
de petits formats porno-erotico-crimino-historo-sado-humoristico
avec souvent des scènes hystériques,
le sexe étant omniprésent avec toutes sortes de fantasmes
>> p. 66 mais pas toujours de bon goût!

- les héroïnes les plus connues: Jézabel, Isabella, Jacula,
Justine, Jungla, Lucifera, Maghella, Messalina, Vampirella,
Yolanda, le tout adapté en France par Elvipresse mais
la qualité n'est pas souvent au rendez-vous
(toutefois pour le prix demandé!)


12/ Crepax, notre danger naturel
chez Crepax, l'érotisme devient de l'esthétisme féline
avec Anna, Valentina et Bianca
- pour Crepax, la douleur est source de jouissance,
les traits de son graphisme sont très fins mais aussi très poussés,
il est avec Pichard, il est l'un des plus grands
dessinateurs érotiques
>> p. 73 et 75 la flagellation


13/ Guido Buzzelli, un Goya italien
oscille entre peinture et bande dessinée, avec une tendance zoophilique
de par ses bêtes humaines (la révolte des ratés),
puisant ses sources d'inspiration dans un contexte socio-historique,
tourment des corps et supplice des chairs

14/ l'école espagnole dont parmi d'autres:
Ribera, Bielsa, Blasco, Fuente, Clavé, Parras et Jimenez
avec une prédisposition pour la torture, inspiré peut'être de l'Inquisition,
l'art du maléfice étant poussé à l'extrême (Dracula, Vampirella)
des dessins généralement aux atmosphères ombrées
et travaillés avec des dégradés de couleurs


15/ le nouvel âge d'or américain
- avec de grands dessinateurs tel que Eisner dans The Spirit
présentant une nouvelle écriture sémiotique-graphique
(= concernant les signes)
- apparition du thème de bondage avec le maître du genre:
John Willie dans "sweet Gwendoline" et du sadisme
avec Jim "baroness steel" et Stanton "best of Stanton"
(à voir: les attelages humains)
- il y aura aussi E.C. (educational comics) de William Gaines,
spécialisé dans l'horreur, le fantasy et la science-fiction
(crypt of terror, tales from the crypt, vault of horror, crime suspenstories)
graphisme par Albert Feldstein et Harvey Kurtzman
- en 1952, création de Mad qui atteindra une notoriété internationale
- les compagnies Marvel, Warren et D.C. (national periodical publications)
se partagent alors le marché des comics
avec les dessinateurs les plus connus: Richard Corben, Frazetta,
Wallace Wood, Wrightson, Jack Kirby, Jeff Jones, etc
mais l'érotisme/porno atteindra son summum avec les séries "underground"
de Crumb (Fritz the cat), Gilbert Shelton (freak brothers),
et Clay Wilson dans "Zap comix" (1968) + bizarre sex

16/ Richard Corben, un univers violent?
commence chez les éditions Rip Off Press avec des personnages
dont la morphologie est très caricaturale et sauvage
avec un sens de la couleur particulièrement poussé
puis il devient un dessinateur spécialisé
dans le genre underground (funny world)
>> p. 97 le style Corben

17/ Crumb, le pape de l'underground
publie ses récits dans Zap et Help en se jouant du comics code,
c'est un peu le dr. Jekyll et Mr. Hyde de la bande dessinée
c'est aussi un broyeur de religions
(>> à voir son album "la genèse") et un fauteur de merde,
Crumb sera accusé de phallocratisme (= domination de l'homme
sur la femme), d'anti-communisme, de racisme,
de révolutionnaire prêchant l'anarchie et la violence,
mais il ne se prend pas vraiment au sérieux
- Crumb reste toutefois le maître de l'underground
avec son célèbre "Fritz the cat" (1972)
>> p. 101 "My Hytone" comix, couverture de Crumb
>> p. 105 les bandes parodiques: Popeye, Bébétassine, Tintin


18/ "comics code authority" et censure
premiers polémiques contre les comic books par Frederik Wertham
dans "seduction of the innocent" (1954) et "a sign for Cain" (1966)
ainsi que dans "psychopathologie des comics" (1949) par George Legman

- suite au comics code de 1954, plusieurs éditeurs seront boycottés
et il y aura un net freinage sur la production des comic books,
mais par la suite de nouvelles séries (plus édulcorées) verront le jour,
cette censure sera d'ailleurs plus ou moins supprimée dès 1965
en France, la censure subira la pression de l'église catholique,
il en résultera la fameuse loi de 1949
renforcée même en 1958 (sous le gouvernement De Gaulle!)
Jacques Martin brisera le tabou en dénudant légèrement
les seins de l'héroïne de "proies du volcan" (1978),
le sexe restant toutefois la bébête noire de la censure
la bande dessinée fut particulièrement touchée,
car sa distribution en France était subordonnée
à un presque pouvoir unique, un monopol

19/ les séries érotiques dans le monde
les dictats des éditeurs sont encore souvent de rigueur
malgré tout, de nouvelles formules graphiques d'érotisme
se développent tel que:
Epoxy (1968) de Cuvelier, libertinage (1978) de Giffey,
les frustrés de Bretécher (1975),
la véritable histoire du soldat inconnu de Tardi (1974),
Zizi et Panpan de Lauzier (1979)
>> p. 116 une planche d'Epoxy par Cuvelier

ainsi que les périodiques Curiosity Magazine, Haga, Falatoff,
Tousse-Bourin, le petit Mickey qui n'a pas peur des gros, etc

à voir aussi les productions japonaises, allemandes, scandinaves,
hollandaises (tante Lénie) et anglaises (dont Garth et Romeo Brown)
les pastiches sur le thème du sexe:
>> p. 121 Lucky Suck
>> p. 133 Fuck Danny

- la création de Pilote en 1959 devait bouleverser
le phénomène bande dessinée avec Astérix
qui provoqua la consécration de la bande dessinée
et qui fut suivie par de nombreuses bandes érotiques:
- Eric Losfeld, un pionnier du genre avec Saga de Xam
- Guy Feellaert avec Jodelle et Pravda la survireuse, édité par Losfeld
- Jean-jacques Pauvert avec son étude
"anthologie historique des lectures érotiques" (2001)
- Jacques Sadoul "l'enfer des bulles"

- 1970 création de Hara Kiri hebdo et de Charlie hebdo
animés par Wolinski, Cabu, Gébé, Reiser, Willem
ainsi que le "canard sauvage" (1971) des éditions Glénat
- l'Echo des Savanes (1972) lancé
par Mandryka, Gotlib et Bretécher
- Fluide Glacial (1975) par Gotlib, Alexis et Diament
et enfin
- Métal Hurlant (1975) des éditions Humanoïdes
par Moebius, Druillet et Dionnet,
Métal Hurlant donnera naissance
à de nouvelles séries de bande dessinée en partie érotiques
tel que Gillon (les naufragés du temps),
Lob, Montellier, Pétillon, Tardi, Nicollet, etc

- à mentionner aussi l'expérience du périodique "Ah nana"
créé en 1977 par une équipe de dessinatrices
(parmi lesquelles Goetzinger, Montellier et Marie-Noëlle Pichard),
périodique qui ne durera pas, mais qui fera date
de par son originalité
>> p. 141 les commentaires de Claire Bretécher
qui n'est pas une adepte des féministes de salon!

20/ conclusion
>> avec p. 142/143 deux planches d'érotisme
magnifiquement illustrées

- l'hypocrisie de la censure, mêlant sexe et religion
- la bande dessinée et la morale
- l'interprétation de l'image qui a toujours eu
mauvaise réputation, mais qui peut toutefois être lue
à des niveaux et selon des angles différents
- la bande dessinée tout comme l'art est un moyen de communication,
un pont jeté entre deux âmes
- la cruauté sadique dans certaines peintures
(Goya, Jerôme Bosch, Albrecht Dürrer, etc)
- >> voir aussi le livre "eros et civilisation" de Herbert Marcuse
- toutes les civilisations dites équilibrées
(= dont l'art de vivre ignorait crainte et contrainte)
ont laissé des oeuvres érotiques "naturelles",
brûlants de révélation, de vérité et de monstruosité

21/ postface de Numa Sadoul
qui juge l'étude de Michel Bourgeois remarquable et pertinente
mais non complète (aurait aussi voulu entendre
parler de l'homosexualité et des déviations sexuelles tel que
zoophilie, fétichisme, scatologie, inceste, etc)

annexes (dans l'album)
1) bibliographie sur les principales études de bande dessinée
dont entre autres:
- Daniels, comix, a history of comic books (1971)
- Estren, a history of underground comix
- Filippini,
a) histoire du journal Pilote (1977)
b) les années cinquante (1977)
c) histoire du journal Vaillant (1978)
- Edouard François, l'âge d'or de la bande dessinée
- Goodstone, "the pulps", 50 years
of American pop-culture (1976)
- collectif, les chefs-d'oeuvre de la bande dessinée (1966)

2/ ouvrages consultés, entre autres:
- Freud, totem et tabou
- Huyghe, sens et destin de l'art (1967)
- Lo Duca, érotique de l'art (1966)
- Malraux, le musée imaginaire (1965)
- Marcuse, eros et civilisation (1974)
- Reich, la révolution sexuelle (1970)

3/ index des noms cités

>> un résumé avec dissertation sur la bande dessinée érotique,
un récit bien étudié et bien documenté
malgré un certain commentaire parfois trop philosophique

annexes (site bd-basiliensis)
- couverture de l'album
- une planche de Forest
- une planche de Druillet
- une planche de Crépax
- une planche de Caza

couvertures:
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