Blake, Jacobs et Mortimer

série: Blake et Mortimer Etude
dessinateur / scénariste: Lenne Gérard
éditeur: Ramsay EO 1996
genre: Etude
classement: biblio1
date: 1996
format: livre broché
état: TBE/N
valeur: 10 €
critère: **
remarques: introduction
- le pouvoir de fascination exercé sur les jeunes lecteurs
par les aventures de Blake et Mortimer
à noter: l'excellent disque de la marque jaune avec les voix
d'Yves Brainville (Mortimer) et de Jean Topart (Blake)

- c'est en 1970 que la bande dessinée fut considérée
comme un phénomène culturel,

- un homme nommé Jacobs
de 1924 à 1929, Jacobs travaille comme soliste
au théâtre de la Monnaie à Bruxelles
il est surnommé "le beau ténébreux",
Jacobs en privé était une personne joviale et cordiale

- rencontre avec Hergé lors de la représentation théâtrale
"Tintin aux Indes" = transposition scénique des cigares du pharaon,
la fatalité frappa Jacobs après avoir terminé
le tome 1 des 3 formules du prof. Sato

- l'histoire des éditions Blake et Mortimer, court-circuitées
par l'éditeur Blue Circle qui avait racheté à Lombard
les droits d'auteur non périmés (pour certains albums,
ces droits n'étaient pas encore arrivés à échéance, date
à laquelle ils revenaient de droit aux éditions Blake et Mortimer)

- le 20.2.1987 Jacobs rejoint "le grand scénariste"


première partie: le cycle Blake et Mortimer
l'obsession du détail

1/ un problème de chronologie
- le mystère de la grande pyramide aurait dû avoir lieu
vers les années 1930, date à laquelle Septimus
a récupéré Olrik dans le désert,
or, dans la marque jaune, Septimus construit son laboratoire
à l'épreuve de la Luftwaffe, soit juste avant ou après
la deuxième guerre mondiale ou troisième guerre mondiale
qui aurait eu lieu (avec l'espadon) après les pyramides
- cette erreur a d'ailleurs été quelque peu corrigé
dans l'édition 1988 de la marque jaune
(bombardement provenant de la 3ème guerre mondiale),
mais l'erreur n'est pas complètement corrigée, car on y mentionne
toujours encore la Luftwaffe de la deuxième guerre mondiale


2/ délices et exigences de l'hyperréalisme
- l'hyperréalisme dans les oeuvres de Jacobs contrairement
en général à celles d'Hergé qui ne se soucie pas trop des décors
(sauf peut'être pour l'affaire Tournesol)
alors que le décor jacobsien a une vie propre
>> p. 54 plus grand est le réalisme,
plus crédible est l'imaginaire fantastique
>> p. 57 les infimes détails chez Jacobs et à ce jour,
la chambre d'Horus garde toujours encore son mystère

- le piège diabolique est probablement le récit le plus fantastique,
pour les 3 formules du prof. Sato, Jacobs s'est engagé
dans un domaine difficile d'où peut'être le retard
apporté à la publication du tome 2
>> p. 64 la volonté obstinée de préserver coûte que coûte
la crédibilité est donc l'exigence majeure de Jacobs,
voir son obsession!


deuxième partie:
au bout des mythologies, l'inconscient

1/ les oeuvres de Jacobs sont un mélange d'aventures
fantastiques et de science fiction
- l'espadon = l'arme absolue tout comme Robur le conquérant
dans Jules Verne et arme semblable dans le film Firefox
(le flying swordfish mais aussi le gaz vert GX3)
- les pyramides = l'énigme millénaire sur la construction
de la grande pyramide et l'existence du surnaturel,
récit qui se rapproche du premier film d'Indiana Jones
- la marque jaune où Jacobs réunit la science-fiction
et le policier avec des réminescences du cinéma fantastique
- l'Atlantide = science-fiction avec progrès scientifique
et monde perdu
- SOS météores = guerre météorologique = premier thème
dans le genre en littérature
- piège diabolique dont le futur éloigné = 5061
qui rappelle quelque peu les films de la saga Star Wars
- collier de la reine = thème purement policier
= la moins jacobsienne des aventures de Blake et Mortimer,
mais toujours avec le thème récurrent des souterrains
- 3 formules = robotique et développement
d'une schizophrénie fantasmatique

- enfuis dans toutes les oeuvres de Jacobs plane l'ombre
du mythe du docteur Faust, notamment dans l'énigme de l'Atlantide


2/ le puits de Jacobs
le choix des lieux et des décors avec connotations mystérieuses
et symboliques parsèment l'oeuvre de Jacobs,
notamment les souterrains qui sont omniprésents et
tous sont à l'abri des regards indiscrets donc secrets
et transposés souvent dans l'occulte

- similitude avec les aventures de Harry Dickson de Jean Ray
et de Jules Verne (voyage au centre de la terre)

- ce thème d'obsession souterraine trouve peut'être son origine
dans la chute du jeune Jacobs dans un puits
(danger de noyade, claustrophobie),
autre thème récurrent chez jacobs (par antagonisme?)
celui du soleil tel le motif solaire d'Akhenaton
et le disque jaune hypnotisant de Septimus


troisième partie: la comédie humaine et surhumaine

1/ le triumvirat héroïque (Mortimer, Blake et Olrik)
- Mortimer, le savant est un esprit universel,
professeur en physique, il possède aussi un physique solide
- Blake est l'agent des services secrets du MI5,
c'est un pro du genre et qui à l'occasion use du camouflage
(notamment ses déguisements)
>> p. 108 le degré d'intimité entre Blake et Mortimer,
sujet à beaucoup de discussions
- le couple du savant et du militaire dont Mortimer devient
toutefois la vraie vedette d'où "Mortimer à Paris
et Mortimer à Tokyo", il sera d'ailleurs la seule vedette
dans le piège diabolique, mais souvent tous les deux
enquêtent pour leur propre compte

>> p. 111 référence à la page 5 du collier de la reine
où Olrik envoie un message adressé
à Sherlock-Blake et Watson-Mortimer

- Olrik, un fantômas luciférien,
un des succès des aventures de Blake et Mortimer,
c'est bien sûr la réussite du personnage du méchant
= Olrik dont Jacobs éprouve d'ailleurs de la sympathie
mal dissimulée, une beauté du diable,
un genre de Faust/Méphistotélès; il est invulnérable
et échappe toujours à son destin, souvent sans explication,
sauf dans le collier de la reine où il effectue
une spectaculaire évasion lors de son procès

- Jacobs ne dit rien sur les origines d'Olrik, mais
il lui donne le grade de colonel et lui aussi et plus souvent
que Blake, utilise de nombreux déguisements, totuefois au fil
des aventures, sa trajectoire devient quelque peu dégradante
(en dernier lieu chef d'une bande de gangsters),
- il rumine souvent sa revanche (entre autres
dans le secret de l'espadon contre ses supérieurs
"vous me paierez ça, mes maîtres")
et ne veut rendre des comptes à personne,
laissant souvent tomber ses complices sans ménagement


2/ l'humanité selon Jacobs
a) guerriers, policiers et hommes de main
- les personnages vraiment mauvais tel que
Basam-Damdu le sanguinaire, Tlalac le barbare
et Gui seigneur de la Roche le cruel
- Nasir, le fidèle serviteur de Mortimer
qui disparaitra après la marque jaune
- le commissaire Kamal (aux confins du burlesque)),
l'inspecteur Kendall (excellent policier qui paie de sa personne)
et le commissaire Praider (le plus bougon = grognon,
mais jamais ridicule sous les traits de Jean Gabin)


b) les personnages de seconde catégorie
- les chauffeurs de taxi Dick et Ernest, l'archiviste Mr. Stone
- les hommes de main d'Olrik: Sharkey = une brute de gangster
yankee qui lui perdure (contrairement à Nasir),
Jack le tueur à tête de grenouille
- les hommes de science qui jouent malgré tout un rôle capital
(Labrousse, Sato, Rassim Bey) et les mégalomanes:
- Septimus (avec sa soif de vengeance mais à l'invention géniale),
- Miloch (un vrai génie du mal)
- Grossgrabenstein, le savant extravagant qui apporte
une note comique au récit
- le sage Abdel Razek, l'initié, descendant des prêtres d'Aton
- Basileus le patriarche et enfin le dr. Focas,
le savant meneur d'hommes


c) les traîtres ou rénégats
- Razul le bezendjas, Abdul Ben Zaïm, Magon le phulacontarque
qui veut devenir basileus à la place du basileus,
- Krishma conseiller de Focas, Kim l'assistant de Sato
et aussi le joaillier Duranton
- le chiffre trois comme guerriers, savants et traîtres


quatrième partie, la philosophie de Blake et Mortimer
1/ un homme de tradition
- l'oeuvre de Jacobs nait de la convergence de plusieurs traditions
avec une tendance à l'eschatologie = croyances relatives
aux fins dernières de l'homme ou de l'univers
= apocalypse et catastrophes), mais aussi présentant
un raffinement de moeurs civilisés (le Centaur Club de Blake,
la bouteille de Pomerol dégustée par Labrousse et Mortimer)
à noter: l'extraordinaire originalité
du livre de Jacobs "un opéra de papier"


2/ au-delà de la morale
- les personnages évoluent dans un monde de morale,
ils sont bien "éduqués", mais essentiellement masculins
(aucune femme dans l'espadon et la pyramide)
- Jacobs veut probablement transmettre
un message philosophique, lutte entre le bien et le mal
- l'Angleterre (et les USA ne sont pas mentionnés)
reste pour ses personnages une nation puissante
(la Belgique ne pouvant bien sûr pas faire l'affaire)
à noter: Sharkey est une brute d'origine yankee (Texas)
- la hantise eschatologique est présente à travers
les oeuvres de Jacobs (l'arme destructrice de l'espadon,
le culte fanatique d'Aton, l'effondrement de l'ordre civilisé
avec la marque jaune, la disparition de la civilisation atlante,
catastrophe météorologique dans SOS météores,
conflit mondial dans le futur du piège diabolique)


3/ les ultimes valeurs
- loyalisme et courage
- le patriotisme dans l'espadon avec la libération
des peuples occupés
- le culte sacré d'Aton
- le dévouement à l'ordre civilisé et les dangers
de la science mal utilisée

les reproches que l'on peut faire à Jacobs:
- l'inflation des commentaires, un effet de littérature
("l'impudente canaille" dans le collier de la reine),
mais Jacobs veut surtout expliquer au mieux son scénario
avec les évènements fantastiques et les inventions scientifiques
- le manque d'humour, l'explication est toujours
prise au sérieux (contrairement à Hergé avec les explications
de Wolff dans objectif lune), toutefois l'humour n'est pas
très accepté par les lecteurs de Jacobs (tel que lorsque
Mortimer est électrocuté dans le secret de la grande pyramide)
et qui serait de toute façon peu indiqué dans la marque jaune
- le racisme avec le péril jaune

complément:
Jacobs, le gentleman historique
= tout premier entretien avec Jacobs en 1967 par Jean Alessandrini,
interview non publié dans un no de Giff Wiff non mis en vente,
mais c'était la première véritable interview de Jacobs
selon Jacobs, ses récits étaient cherchés dans
le mystère du quotidien ou dans l'inexplicable du présent
= le réalisme fantastique

- Biographie
les oeuvres de Jacobs et les ouvrages sur Jacobs

>> un petit livre assez intéressant
avec quelques remarques et commentaire inédits,
plutôt une dissertation sur l'oeuvre de Jacobs

annexes
- couverture du livre
- portrait d'Olrik
- la fameuse couverture du Journal Tintin
lors de la parution de la marque jaune
- couverture parodie sur le monde Jacobs

couvertures:
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