damnation d'Edgar-P. Jacobs (la)

série: Blake et Mortimer Etude
dessinateur / scénariste: Rivière+Mouchart
éditeur: Archimbaud EO 2003
genre: Etude
classement: biblio1
date: 2003
format: livre broché
état: TBE
valeur: 40 €
critère: **
remarques: livre Seuil/Archimbaud 2003 dédicacé
par les auteurs Rivière et Mouchart

1/ un dandy contrarié (1904-1943)
- Jacobs une personne cordiale mais vivant plutôt retiré,
son père était agent de police, bricoleur et déjà aussi chanteur!
Jacobs peu autorisé à jouer au dehors avec ses petits camarades,
développe une passion pour la lecture et le dessin
>> l'épisode du puits Jacobs = un traumatisme d'enfance?

- il lit déjà de la bande dessinée tel l'Intrépide
et son dessinateur préféré est Georges Omry, à 12 ans au théâtre,
il assiste à une pièce de Faust qui l'impressionnera, plutôt
médiocre dans les études, il excelle dans l'histoire et le dessin
et y fait aussi connaissance de l'ami Jacques = Jacques Van Melkebeke
= un ketje des Marolles, ils resteront d'inséparables amis
(n.b. ketje = gosse = p'tit gars, les Marolles sont un quartier
populaire, historique et touristique de Bruxelles qui s’étend
du palais de justice, place Poelaert à l’église de la Chapelle)
- Jacobs devient anglophile en lisant les auteurs anglo-saxons
(notamment H.G. Wells), passion pour l'opéra dès 1917 à 14 ans,
puis s'intéresse aussi au cinéma (surtout les films fantastiques)
- les deux amis s'inscrivent à l'académie des Beaux-Arts (1920)
et Jacobs s'intéresse ensuite aussi au théâtre, rencontre
avec Jacques Laudy par l'entremise de l'ami Jacques,
- 1923 Jacobs commence des dessins de catalogue de vente,
puis il commence des études de chanteur,
plus tard, les deux amis montent un spectacle "la malédiction"
qui n'aura que peu de succès,
- 1929 première aventure amoureuse avec Ninie, Léonie Bervelt,
puis c'est le mariage et un début comme baryton
au théâtre de Lille où Jacobs réalise de nombreux costumes
genre opéra et des maquillages très bien réussis

- en 1935 suite à une loi favorisant les artistes français,
Jacobs doit retourner à Bruxelles où il mène quelque peu
une vie de bohème; sa situation change au début
de la deuxième guerre mondiale,
embrouilles avec Ninie, le couple est stérile
(en fait Jacobs n'aura jamais de descendant),
mort de son frère André en 1940,
Jacobs revient à son emploi de dessinateur de catalogue

- en 1941 il commence à travailler pour le périodique "Bravo",
ce seront d'abord des illustrations pour différents contes;
à cette période parait aussi "le Téméraire" journal manipulé
par l'occupant et Hergé dessine dans le journal "Le Soir"
(journal collaborationniste) son récit sur l'étoile mystérieuse,
alors que le journal Bravo reste lui plutôt neutre
en publiant surtout de la bande dessinée américaine,
mais lors de la guerre, la source américaine est tarie
et le directeur de Bravo, Dratz, fait appel à Jacobs
pour continuer la série de Gordon l'Intrépide


2/ les images inoubliables (1943-1965)
- 1943, parution du rayon U dans le no 5 de Bravo
avec la célèbre quête pour la pierre de l'uradium,
c'est du parfait space-opéra avec serpent bleu géant,
tigre géant à dents et nécropole pré-colombienne
- Jacobs vient de trouver son chemin mais ce sera selon lui
sa damnation dans l'enfer des travaux alimentaires
et en renonçant à l'art lyrique
>> p. 88 Jacobs est le premier dessinateur, en Belgique,
à avoir compris les effets dramatiques
qui peuvent naître de la couleur

- et le 30.12.1943, Jacobs accepte de travailler à 50% avec Hergé
pour la refonte des albums Tintin (surtout concernant le coloriage),
en septembre 1946, en créant le journal Tintin, Leblanc intégrera
Jacobs dans l'équipe Hergé, Cuvelier et Laudy, ce qui causera
la fin définitive d'une éventuelle continuation du rayon U

- dès 1944, alors qu'une rupture avec Ninie est imminente, Jacobs
se rend maintenant chaque jour au domicile d'Hergé à Boitsfort,
Hergé travaille sur ses scénarios en partie avec Jacques Melkebeke
et Jacobs participe beaucoup à l'élaboration des sept boules
de cristal, notamment pour la couleur et les décors

- à la libération, Hergé et Melkebeke seront accusés
de collaboration avec l'ennemi suite à leur participation
au journal Le Soir (soi-disant volé par l'occupant),
par contre, Jacobs, resté neutre, ne sera pas inquiété

- en 1945, Jacobs collabore avec Hergé le redessinage
et le coloriage de Tintin au Congo, Tintin en Amérique
et le sceptre d'Ottokar (dans lequel y figurent d'ailleurs
Hergé, Jacobs et Melkebeke)
- de plus, à la libération, Jacobs produit des couvertures
pour les journeaux ABC et AZ
- Hergé, craignant de ne plus pouvoir signer sous son nom,
produit avec Jacobs quelques épisodes de bande dessinée
sous la signature Olav, mais ces récits ne seront qu'éphémères

- Raymond Leblanc, un ancien partisan (fondateur aussi
des éditions Lombard), reçoit une priorité sur la fourniture
de papier, ce qui lui permettra de sortir le Journal Tintin
avec une qualité d'imprimerie supérieure
à ses concurrents (Spirou, Bravo) et le Journal Tintin succède
au Petit Vingtième avec Hergé comme directeur artistique
et avec, au début seulement, Melkebeke comme rédacteur en chef
- le journal paraîtra sous le slogan "instruire en divertissant"
et Jacobs y débute son "secret de l'espadon" inspiré quelque peu
de la "guerre des mondes" ainsi qu'Hergé avec son nouveau Tintin
"le temple du soleil" paru après-guerre, mais déjà Hergé d
ans l'équipe veut rester le premier (la prima donna)
parmi ses amis dessinateurs


3) la vedette inattendue
- années sombres pour Jacobs depuis sa séparation
avec Ninie en 1946 et au journal Tintin, sous l'impulsion d'Hergé,
Jacobs doit renoncer à son récit "Roland le Hardi" **
** peut'être repris en 1977 par Bob de Moor
sous le titre "Conrad le Hardi"
et prévoir un récit d'histoire moderne et réaliste,
une aventure contemporaine qui deviendra le chef-d'oeuvre
du secret de l'espadon avec le célèbre trio
>> p. 113 explications sur l'origine d'Olrik et c'est avec
le méphistophélique Olrik que commence les premières pages
du secret de l'espadon, une 3ème guerre mondiale
avec l'arme atomique, ce sera un nouveau Jacobs qui se révèle
(avec l'aide occasionnelle de l'ami Jacques)
>> p. 117 les maquettes du Golden Rocket, de l'Espadon,
des requins volants et de l'aile rouge
qui ont été réalisées par Gérard Liger-Belair

- une action pleine de développement au rythme soutenu
avec un décor à l'aspect fantastique et romanesque
(le Ras Musandam)

- mais en 1947, l'ami Jacques est finalement condamné
et doit renoncer à son poste de rédacteur, il est remplacé
par André Fernez qui n'a toutefois pas tout-à-fait
les faveurs d'Hergé, mais qui se révèlera capable,
toutefois c'est Raymond Leblanc qui contrôle toujours
encore l'orientation du journal et qui considère Jacobs
comme un dessinateur de grand talent

- et dans l'espadon tome 2, ce seront surtout Mortimer
avec Olrik qui deviendront les vedettes du récit
dans lequel Jacobs inaugure un style qui fera son succès,
un genre d'uchronie (= reconstruction fictive de l'histoire
relatant les faits tels qu'ils auraient pu se produire)
avec le début du thème des souterrains et des images inoubliables
- création du journal Tintin France, mais dans le premier numéro,
les lecteurs du journal ne commenceront à lire
le secret de l'espadon qu'à partir de la 99ème planche!

>> p. 128 à 129 des illustrations et photos
en partie tout-à-fait inédites
>> p. 131 la peur raciste du péril jaune qui rappelle
"la guerre dans les airs" récit paru en 1907 par H.G. Wells

- et même Hergé commence à s'inquiéter
de la montée en puissance du dessinateur Jacobs
>> p. 133 début des banquets = les fameuses tamponnes
selon Jacobs en l'auberge du Chevalier à Beersel

- 1946 début de la liaison avec la pianiste Jeanne Quittelier
qui prendra une place positive, mais possessive
dans les relations de Jacobs, dont quelque défiance envers Hergé
ce qui conduira peut'être Jacobs à cesser sa collaboration
avec Hergé en 1947, surtout pour des questions financières
et à cause de l'affaire de co-signature
>> p. 138 à 140 les lettres échangées entre Hergé et Jacobs,
notamment concernant Germaine, épouse d'Hergé

- sensible à la vague égyptologique (le trésor de Toutankhamon),
Jacobs commence en 1953 son "mystère de la grande pyramide"
peut'être quelque peu inspiré du livre "cité sans soleil"
par Bonneau (1927) ainsi que du film "horizons perdus",
du livre "le grand secret (l'existence d'initiés)
et d'un certain style d'Hitchcock, mais toujours avec l'aide
occasionnelle comme script-doctor de l'ami Jacques

- pour Jacobs, la conception de la bande dessinée reste
une forme de littérature (omniprésence du récitatif)
en prenant soin de la précision pour le descriptif,
il n'aime pas non plus travailler dans la contrainte
(respecter les délais de parution, Jacobs étant souvent en retard)
ce qui le mettra toujours mal à l'aise et il obtiendra
pour quelque temps la participation d'Albert Weinberg
qui lui allait commencer un peu plus tard dans Tintin
un court récit: "le secret de Mahukitah"

- le récit dont le titre avait été prévu comme une aventure
de Mortimer et Nasir fera maintenant de Mortimer
le caractère fétiche et hautement culturel alors que Olrik,
chef d'une bande de trafiquants d'antiquité, se trouve
maintenant transposé dans le banditisme de haut vol,
un monde de truands chics!

- cette aventure aura vu le dessinateur simplifier son trait
avec une mise en page symétrique des planches
(surtout pour la parution dans le Journal Tintin) qui
donnera un effet d'ensemble au climat singulier du récit

- en décembre 1950 parait en librairie le tout premier album
de la collection Lombard: le secret de l'espadon, tome 1
sous le titre "la poursuite fantastique" avec séance de dédicace
pour Jacobs au siège du Journal Tintin: 24, rue du Lombard
et Hergé à nouveau de s'inquiéter de la fin
du quasi-monopole des albums Tintin
>> p. 160 l'histoire du timbre Tintin (ou chèque Tintin en France)
>> à noter: le prof. Gilbert, de la fondation égyptologique belge,
traduira en hiéroglyphes le nom du dessinateur Jacobs
dans un médaillon rouge sur la couverture des deux albums


4/ le cabinet du dr. Septimus
- Londres sert de théâtre à la prochaine aventure
de Blake et Mortimer avec au préalable un travail de repérage
personnel avec séjour sur le lieu même de l'action
(le premier du genre); Hergé le fera aussi après coup
pour l'affaire Tournesol et coke en stock
n.b. Jacobs ne s'est jamais rendu en Egypte
- la même année de la visite en 1952, couronnement d'Elisabeth II
dont la couronne sera l'objet de la marque jaune et au lieu
de la pluie et du brouillard, Jacobs ne connaîtra malheureusement
Londres qu'avec plein soleil et un temps magnifique

- le récit sera en partie inspiré du livre de Siodmak
"le cerveau du nabab" avec l'expérience de la télépathie
ainsi que par le film "le cabinet du dr Caligari",
c'est un thriller de science-fiction au déroulement morbide
qui surprend parmi les aventures pour la jeunesse
paraissant dans le journal Tintin de cette période
(Pom et Teddy, Tintin, Chlorophylle, Bob et Bobette)
où l'ordre du monde se trouve disturbé, mais présentant
un génial symbole graphique avec le U grec, c'est aussi
un authentique mythe moderne du genre fastasmatique


5/ le bois des pauvres
- printemps 1953, Jacobs, sur la demande de Jeanne, mais aussi
pour se détacher de la vie mondaine et bruyante de Bruxelles,
quitte cette ville et s'installe à Lasne-sur-Braband
(tout près de Waterloo) dans un cottage qui sera baptisé
le bois des pauvres (de par la forêt de ce nom),
ce sera l'antre secret de Jacobs et sa tour d'ivoire,
personne ne sera autorisé à pénétrer dans le saint des saints:
sa table de dessin avec miroir installée au premier étage,
Jacobs y devient un gentleman-farmer avec comme voiture
une 4 CV Renault, mais Jacobs y développera aussi une sorte
de paranoia par peur d'être plagier par d'autres dessinateurs
>> p. 183 l'incident avec Jacques Martin à propos
de "la grande menace"
- Hergé conspire aussi quelque peu contre Jacobs en demandant
aux dessinateurs de Tintin de s'inspirer du genre Jacobs
qui lui-même doit faire façe à une certaine censure d'Hergé
(notamment pour la couverture dans le Journal Tintin
annonçant le début de la marque jaune)
- ce qui d'ailleurs causera quelque embrouille avec Hergé
bien que tous deux resteront bons amis
- alors que Hergé s'adresse à un lectorat de jeunesse,
le genre Jacobs s'adresse maintenant à un lectorat plus adulte
>> p. 188 l'ambiance dans l'équipe du Journal Tintin

- ce qui n'empêchera pas "la marque jaune" de devenir
un succès phénoménal (sommet de l'art de la bande dessinée)


6/ un monde perdu
- un an après la marque jaune, l'attente des lecteurs
est à son comble, Jacobs est maintenant toutefois
un créateur original teinté de narcissisme et de méfiance
et ne veut surtout pas travailler sous pression;
ce sera malgré tout en 1955 "l'énigme de l'Atlantide"
inspiré du livre du colonel Braghine au même titre
et du roman de Jules Verne "voyage au centre de la terre",
Jacobs est toujours aidé par l'ami Jacques
et le récit est presque une continuation du rayon U

- cet épisode débute octobre 1955 dans le Journal Tintin
qui comporte maintenant 32 pages et parait à 500'000 exemplaires,
ce sera une colossale mise en scène d'opéra
dans le décor minoen de l'Atlantide que Jacobs situera
au coeur de l'Atlantique
>> p. 200/201 la revue Planète en 1962
qui aborde les mystères de civilisations disparues


7/ un pari fantastique
- dans les années 50, début de la collection Fleuve Noir
aux thèmes variés dont la série anticipation
au contenu parascientifique ainsi que le développement
du roman d'espionnage (avec par exemple Francis Coplan et OSS 117)
ainsi qu'une période de mauvais temps en Europe (1954-1957)
qui conduira Jacobs à aborder son nouveau récit,
résolu à coller dans sa fiction le plus possible au réel
ce sera SOS météores et sa guerre météorologique
dont l'action se situe dans la banlieu parisienne

- rencontre avec Evany (Eugène Vanijverseel)
alors directeur artistique des éditions Lombard
qui deviendra aussi un grand ami de Jacobs

- à nouveau, Jacobs effectue un répérage des lieux en fournissant
un travail encore plus descriptif que lors de sa viste à Londres
(avec l'exemple des oeufs à la coque lors du passage de Mortimer
au petit bistro de Troussalt ou "trou salé" pour les deux anglais,
le dessin devient également plus expressif avec moins de rondeurs
que dans les récits précédents
>> p. 210 description de Mortimer sur la couverture
du Journal Tintin du 8.1.1958 annonçant la parution de SOS météores
et malgré le titre de Mortimer à Paris, le capitaine Blake
jouera un rôle prépondérant dans cette nouvelle aventure

- en 1958, c'est aussi l'ouverture de l'exposition universelle
de Bruxelles et l'occasion pour Raymond Leblanc d'inaugurer
de nouveaux bureaux et le studio Belvision situés avenue
Paul-Henri Spaak qui sera tout simplement appelé "l'immeuble Tintin"


8/ dans l'abîme du temps
- dans les années 50, la critique de BD n'existe pas encore,
publication d'un ouvrage "la presse enfantine française"
par Jacqueline et Raoul Dubois
(celui-ci membre de la commission de censure) affirme
dans leur livre la bêtise affligeante des images de bande dessinée
et pour eux le Journal Tintin comporte deux parties:
l'une excellente l'autre moins bonne

- mais en 1959, la sortie de l'album SOS météores
ravit les lecteurs des éditions Lombard,
toutefois ces lecteurs ne représentent qu'un club assez réduit
et la bande dessinée cherche encore un lustre médiatique
ce qui arrivera avec Astérix en 1959

- au Bois des pauvres, Jacobs passe sa vie entre Jeanne,
ses travaux qui lui prennent presque tout son temps
et Viviane, fille de René, fils de Jeanne,
qui aime beaucoup Jacobs et le surnomme Pompon

- retour en France pour le scénario du piège diabolique
avec étude d'ergonomie pour la capsule "chronoscaphe",
dans ce récit, Blake ne fait qu'une courte apparition
et Olrik n'est pas présent; pour la séquence du Moyen Age,
Jacobs fera appel à Liliane et Fred Funcken

- tandis que la séquence du futur est la partie
la plus ambitieuse et la plus expressive du récit,
version pessimiste de l'avenir de l'humanité, ce qui causera
à Jacobs quelque problème avec la censure française

- pour la première fois, Jacobs confie une partie
de la mise en couleur au studio Hergé (Josette Baujot),
Hergé était alors un peu jaloux de Jacobs,
mais au studio Hergé, Jacobs se lie d'amitié
avec Bob de Moor, le bras droit d'Hergé

- toutefois, les problèmes avec la censure française provoqueront
à Jacobs une crise professionnelle durant près de trois ans
(dont fut d'ailleurs aussi victime Pierre Mouchot avec Fantask
ainsi que le journal Tarzan)
- Jacobs en gardera un mauvais souvenir et désormais le coeur
n'y est plus, les aventures de Blake et Mortimer ne seront plus
pour lui un plaisir mais un pensum ingrat


troisième partie: l'homme invisible (1965-1987)

a) les années 60 voient la disparition de la collection Lombard
(albums toilés) et les ventes pour Jacobs restent aléatoires,
maussade et toujours serré financièrement, Jacobs perd le reste
de sa fortune dans un mauvais investissement

- en 1964, pour un éditeur italien, Jacobs effectue
avec l'ami Jacques un court épisode explicatif d'égyptologie
sur le trésor de Toutankhamon, il commencera aussi un nouveau récit
axé sur le thème policier (genre Kammerspiel) mettant un scéne
la réapparition d'Olrik après une évasion spectaculaire
et à Paris, Jacobs se livrera aussi à une repérage souterrain:
les égoûts (déjà abordés dans la marque jaune) et les catacombes

- pour la première fois, Jacobs utilise pour le graphisme
des découpages photographiques, genre roman-photos
et se prend lui-même en photo pour dessiner ses personnages,
sur la couverture du Journal Tintin du 24.8.1965,
ce sera Olrik qui y figure comme vedette du nouveau récit
tout en y jouant un rôle de malfrat (quelque peu dégradant)
avec des expressions venant directement de la pègre parisienne,
mais surtout les fans de Blake et Mortimer constateront
très vite que le graphisme n'est plus vraiment du Jacobs
et en fait Jacobs bénéficie d'une aide extérieure:
celle de Gérald Forton, fils du créateur des Pieds-Nickelés

- mais cette expérience bien qu'amicale fut décevante,
car Forton ne recherche pas à imiter le style de Jacobs
qui reprendra la mise en pages après les premières 25 planches;
le récit en restera toutefois plutôt fade
avec un graphisme un peu moins bien soigné,
introduction de phylactères (genre onomatopés) envahissants,
peut'être aussi à cause des ennuis avec la censure
que Jacobs veut maintenant éviter

- à 61 ans, Jacobs est moins alerte et souffre
d'une arthrose de la hanche, sa vue a aussi baissé
et Jacobs est lentement atteint de sénilité
- curieusement pour Jacobs, cette période sera un premier pas
vers la gloire qui s'approche de lui


b) en attendant Sato
- intéressé à la culture japonaise, Jacobs place son prochain
récit au Japon avec la technologie robotique et
les décors costumés de la culture et théâtre/opéra japonais,
l'armure de samourai dans son salon est comme un témoin muet
et à nouveau obsession d'une documentation très détaillée
en se renseignant même sur les poubelles de Tokyo

- plusieurs idées avaient auparavant été mentionnées par Jacobs:
1/ la sorcellerie 2/ des aventures situées à Rome et/ou en Ecosse
ainsi que sur un monde historico-fantastique
dans la région de Waterloo
- ces idées seront d'ailleurs repris dans l'après-Jacobs,
tel l'affaire Francis Blake et l'étrange rendez-vous

- le 24.4.1967 Jacobs informe Michel Greg, nouveau rédacteur
en chef du journal Tintin de son prochain récit au Japon
dont le titre sera les trois formules du prof. Sato,
un récit de science-fiction mêlé à un décor exotique
>> p. 262 l'article dans journal Tintin no 34 d'août 1967
"Jacobs se porte bien" et en septembre 67 dans Tintin 2000
l'article "réveillons-le" en combinant une pétition des lecteurs
pour la publication des trois formules
>> p. 264 l'article "lettre-réponse" de Jacobs le 12.12.1967:
"ne tirez pas sur le dessinateur"

c) pélérinages
- en 1968, les deux principaux magazines pour la jeunesse
sont Tintin et Spirou,
il y aura aussi une exposition en hommage du 9ème art
ainsi qu'un livre produit par Van Hamme
"introduction à la bande dessinée belge"

- 1969 décès de Ninie, une fin tragique dans une sordide
chambre de Bruxelles, Jacobs en sera très affecté

- trié sur le volet, quelques visiteurs (les pélérinages)
pourront accéder au "musée" Jacobs dans son cottage
du Bois des pauvres, un étalage qui présente un échantillonnage
de ses oeuvres (albums, documentation, modèles, etc)
>> p. 272 son chevalet de torture = sa table de dessinage
- il y a en outre une armure de samouraï du XVIIIème siècle
(très rare en cet état) et une armure du XVIème siècle
ayant appartenu au duc de Pembroke
+ un chapeau à la marque jaune (après avoir été mouillé
dans l'eau de la Tamise) ainsi que divers instruments
nécessaires à l'accomplissement de son art
dont des magnétophones (pour enregistrer ses textes) et un épiscope
(= instrument d'optique à miroirs qui permet d'observer
le terrain depuis l'intérieur d'un char de combat)
n.b. à ne pas confondre avec un périscope = instrument
pour voir au-dessus d'un obstacle, pour les sous-marins:
observation de la surface de la mer lors de plongées

- vers la fin des années 1960 se constituent
des clubs d'amateurs de bandes dessinées,
à Bruxelles, c'est le CABD (club des amateurs de bd)
et à Paris c'est le CELEG (centre d'étude
des littératures d'expression graphique)
créé par Francis Lacassin qui publie la revue Giff-Wiff,
un autre club dirigé par Claude Moliterni publie "Phénix",
- Claude Le Gallo publiera un peu plus tard une biographie
de Jacobs dans la collection "nos auteurs" dont seuls
quatre de ce genre seront publiés à ce jour:
Jacobs, Cuvelier, Bob de Moor et Derib

- Jacobs sera aussi surnommé le "baryton de la bd" dans
le cahier no 30 de la bande dessinée (Glénat 1976)
avec présentation de la guerre des mondes dessinée par Jacobs
et avec une préface rédigée par Hergé

- en 1971 c'est le retour de Blake et Mortimer
dans les trois formules du prof. Sato
(le tome 1 en album paraitra en 1977),
mais c'est déjà un récit de science-fiction quelque peu dépassé
avec les créations d'androïdes sur fond d'orientalisme moderniste

- en bref un Jacobs un peu moins inspiré qui subit peu après
une suite ininterrompue d'épreuves pour le dessinateur
devenu dorénavant septuagénaire


d) la toilette de son ombre
- 1974 réédition du rayon U restructuré et remodelé,
mais aussi une opération chirurgicale de la hanche pour Jacobs,
toutefois, pour les chirurgiens, ce n'était pas Jacobs
qu'on opérait mais Mortimer
- 1974 mariage aussi avec Jeanne, 1975 accident de Jeanne
qui se fracture le col du fémur et qui ne s'en remettra
jamais plus complètement
- Jacobs finit le story-board du tome 2 des trois formules
et envisage de se faire assister par Bob de Moor ,
ce que Hergé refuse, 1977 décès de Jeanne Quittelier,
Jacobs sombre dans une certaine morosité,
collaboration avec Philippe Biermé qui lui apporte ses conseils
et l'incite à publier ses mémoires "l'opéra de papier",
même l'ami Jacques publiera aussi ses mémoires
dans un livre intitulé "sans blague"

- à la parution de son album en 1981, Jacobs est maintenant
devenu célèbre et a droit à de nombreux interviews par les médias,
visite de Charles de Belgique, oncle de Baudoin,
à un Jacobs âgé maintenant de 78 ans

- Guy Leblanc qui a succédé à son père Raymond Leblanc,
n'a pas avec Jacobs la même amitié qu'entretenait son père
avec Jacobs et celui-ci se brouille avec Guy Leblanc
après que celui-ci lui ait imposé l'ordre de livrer
sans délai le tome 2 des trois formules
- Jacobs s'adresse alors à Casterman qui décline son offre
(probablement sous l'impulsion d'Hergé,
c'est presque un complot hergéen)

- alors avec Biermé et Claude Lefrancq, éditeur de disques
à Bruxelles, Jacobs créé les éditions Blake et Mortimer,
une refonte des albums de Jacobs est envisagée et trois
nouveaux volumes du secret de l'espadon paraissent en 1984
(y inclus les couvertures du Journal Tintin sur l'espadon),
cette édition a de suite du succès et augmente par 10
les droits d'auteur de Jacobs
>> p. 300 l'accident de circulation commis par Jacobs

- 4.3.1983 mort d'Hergé par suite de leucémie, quelques mois
plus tard, le 8.6.1983, c'est le décès de l'ami Jacques,
les rêves de gloire et de souvenirs partent en fumée

- Didier Pasamonik révèle dans un article la carrière cachée
de Melkebeke (un scénariste de génie qui se serait impliqué
dans de nombreux scénarios, notamment de Jacobs et d'Hergé),
un scénariste qui a dû rester dans l'ombre à la libération
suite à ses relations avec l'occupant, réplique de Jacobs
à ce sujet qui ne reconnait en Melkebeke
que les conseils et idées d'un grand ami
- en décembfre 1983, création de la fondation Jacobs
> p. 304 les buts de la fondation: conservation de l'oeuvre
de Jacobs, la garde des souvenirs et objets y ayant trait,
la perpétuation de l'ensemble de son oeuvre après son décès,
l'organisation d'expositions ainsi que l'attribution annuelle
d'un prix destiné à encourager les jeunes talents de la BD

- dès lors, les interviews et les sorties
de Jacobs se feront plus rares

e) projections
- en avril 83, première d'un petit film de 5 minutes
sur la marque jaune et en 1985, un grand film est planifié,
mais pas un film de dessin animé, il serait tourné à Hong Kong
et serait un peu la suite de la marque jaune, mais dès lors
Jacobs a perdu le goût de la vie et le film ne sera pas produit

- dernière apparition publique de Jacobs à Bruxelles
le 16.4.1986 où il rencontre Germaine Rémi et Bob de Moor,
Jacobs décède le 20.2.1987, seul à son domicile,
de solitude et de désespoir


épilogue
- Philippe Biermé, directeur des éditions Blake et Mortimer,
attendra deux ans avant de confier à Bob de Moor,
le parachèvement du tome 2 des trois formules qui paraîtra en 1990
- Bob de Moor s'inspirera de Jacobs mais ne pourra réussir
à représenter le style Jacobs sur le plan artistique,
néanmoins le tome 2 sortira à 500'000 exemplaires
et les autres albums de la série deviennent des best-sellers
- en 1995 Dargaud rachète les éditions Blake et Mortimer

- Ted Benoit et Van Hamme reprendront les premiers
la continuation des aventures de Blake et Mortimer
sur des scénarios parfois déjà pré-imaginés par Jacobs
(tel l'affaire Francis Blake),
ils seront suivis par Juillard et Sente
- en outre de nombreux films en dessin animé seront produits

sources
- les oeuvres de Jacobs
- les illustrations (notamment dans le périodique Bravo)
- les mémoires de Jacobs
- la bibliographie (dont en outre Hergé par Asseline,
l'année de la bande dessinée 1988,
le baryton du 9ème art, l'affaire Jacobs, etc)
- journeaux et revues
- documents inédits
- correspondances et archives

>> un livre très intéressant (surtout la première partie),
une des meilleurs et complètes biographies de Jacobs avec
de nombreux documents et photos rares et inédits,
des archives inexplorées qui nous font découvrir
derrière son oeuvre un créateur anxieux
- Edgar P. Jacobs ou le parcours d'un artiste atypique
consacré par une série culte de la bande dessinée,
baryton d'opéra à la gloire peu prospère, dandy contrarié
à l'imagination débordante, assistant d'Hergé avec qui
les relations furent parfois difficiles, victime des préjugés
de certains de ses confrères et de la censure française,
Jacobs a vécu sa carrière d'auteur de bande dessinée
comme une véritable damnation

annexes
- couverture de l'album
- un duo très célèbre


Information (Jacobs représenté par Hergé)
- Hergé a souvent fait apparaître Edgar P. Jacobs dans des cameo
à la Hitchcock, au sein de différentes aventures de Tintin:
- on le voit avec son nœud papillon dans les 7 boules de cristal,
alors que Haddock entre en scène porteur d'une tête de vache
- ayant travaillé sur la nouvelle version du Sceptre d'Ottokar,
il y est également dessiné en grand uniforme de cuirassier
ainsi qu'Hergé (pages 38 et 59) et d'autres membres du studio
- bien qu'Edgar Pierre Jacobs n'ait pas aidé Hergé
à la réalisation de la seconde version des Cigares du pharaon,
il apparait dans l'album ainsi que sur la couverture
en la personne de E. P. Jacobini (page 8 case 1)
étant le 14ème égyptologue momifié ayant
"violé la sépulture du Pharaon Kih-Oskh"
- il est aussi présent dans Objectif Lune,
devant une planche à dessin (page 40),
et avec Hergé (de dos), au centre de recherches de Sbrodj
- enfin, dans l'affaire Tournesol, on voit sur une affiche
de l'opéra de Szohôd le nom E. P. Jacobini,
référence au fait que Jacobs fut chanteur d'opéra (page 54),
il apparaît également costumé en Méphistophélès,
cigarette aux lèvres, dans les coulisses (page 53)

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