tome24 Tintin et l'Alph-Art

série: Tintin, albums EO
dessinateur / scénariste: Hergé
éditeur: Casterman EO 1986
genre: Aventure
classement: biblio1
date: 1986
format: cartonné en deux parties
état: TBE/N
valeur: 30 €
critère: *
remarques: album EO édité en octobre 1986 et divisé en deux parties
n.b. voir aussi Tintin et l'Alph-Art sous album pirate


1/ la transcription des dialogues sous forme
d'une pièce de théâtre avec de courtes descriptions


2/ le découpage graphique
esquisses préparatoires d'Hergé au crayon
sans la moindre retouche

le récit s'arrête sur une situation dramatique
au début du second strip de la 42ème planche
au lecteur d'imaginer la dimension et l'orientation qu'Hergé
aurait donné à la fin de l'aventure

postface des studios Hergé
interrogé sur Tintin et l'Alph-Art,
Hergé déclarait en décembre 1982
"je ne sais pas vraiment où l'histoire va me conduire"
lorsqu'Hergé disparaissait moins de 3 mois plus tard,
ce qui aurait dû constituer la 24ème aventure de Tintin
n'existait encore qu'à l'état d'ébauche

on l'imagine volontiers, bien des lecteurs auraient aimé
que ce récit leur soit présenté sous la même forme
que les autres: un album lisse et coloré qui vous tient
en haleine tout au long de ses 62 pages

il est clair pourtant qu'aucune intervention extérieure n'était possible,
la volonté maintes fois exprimée d'Hergé étant, qu'après lui,
Tintin ne connaisse plus de nouvelles aventures
en bandes dessinées
(n.b. contrairement à E.-P. Jacobs)
on trouvera donc ici, publié sans la moindre retouche,
l'ensemble des esquisses préparatoires que nous a laissé Hergé
l'examen attentif de ces documents permettra au lecteur curieux,
observant hésitations et repentirs, de pénétrer
dans l'intimité d'un créateur parmi les plus grands

afin de rendre plus facile et plus agréable la lecture du synopsis
nous avons pris la liberté de reproduire séparément les dialogues,
accompagnés de courtes descriptions de l'action
ils sont présentés ici sous une forme s'apparentant au texte
d'une pièce de théâtre embryonnaire, privé de sa fin,
mais laissant toute liberté à l'imagination du lecteur

Tintin et l'Alph-Art constitue, pour tous les amoureux d'Hergé,
le plus fascinant des héritages (n.b. du lecteur: pas tout-à-fait)

>> un gros album intéressant pour analyser la méthode de travail
d'Hergé, mais surtout un album de collection pour
les admirateurs/amoureux d'Hergé

n.b. cet album n'est pas très étudié pour la lecture
et pour une meilleure compréhension
>> voir l'album pirate conçu par Yves Rodier,
l'Alph-Art hommage à Hergé,
qui développe en amateur cette aventure de Tintin

annexes
- couverture et extraits de l'album
- trois couvertures d'albums pirate


résumé et information
depuis la parution de Tintin et les Picaros,
plusieurs scénarios avaient été envisagés par Hergé
parmi eux, la production d'un album sans fil conducteur,
que le lecteur pourrait commencer à n'importe quelle page
et sans grande action particulière, l'idée a finalement
été abandonnée devant l'importante charge de travail
causée par l'album et le choix de Hergé se porte sur une histoire
qui plonge le reporter dans le milieu de l'art

résumé du scénario
alors qu'il enquête sur l'assassinat du propriétaire
d’une galerie d’art, Tintin découvre un trafic
de faux tableaux étroitement lié
à une secte à laquelle Bianca Castafiore a adhéré, mais se
retrouve pris au piège et menacé d'être transformé en sculpture
cette histoire a la particularité de n'avoir aucune fin officielle,
Georges Remi a mis plusieurs années à travailler
sur le livre jusqu'à sa mort en 1983 et aucun élément n'a permis
de déterminer la fin du scénario voulue par le dessinateur,
l'album est malgré tout sorti pour la première fois en 1986
par Casterman en association avec la Fondation Hergé
puis réédité à l'occasion des 75 ans du jeune reporter en 2004,
avec l'apparition de nouvelles ébauches de travail

l'histoire commence dans le domaine de Moulinsart,
alors que le capitaine Haddock est pris
d'un cauchemar mettant en scène Bianca Castafiore,
Tintin arrive à la rescousse à la suite des cris du capitaine,
ce dernier lui explique qu'il a rêvé que le rossignol milanais
lui apportait son petit déjeuner composé d'un whisky Loch Lomond
qu'il n'arrive plus à supporter à la suite du sort que le professeur
Tryphon Tournesol lui a infligé dans Tintin et les Picaros,
le téléphone se met à sonner: Bianca Castafiore en personne
de retour de Los Angeles, elle compte être de passage au château
le capitaine décide de s'enfuir en ville et, voyant arriver la cantatrice,
se cache dans une galerie d’art qui expose les œuvres de Ramo Nash,
créateur d'un concept artistique appelé l’Alph-Art, et qui repose
sur des représentations des lettres de l’alphabet en plexiglas

Bianca entre finalement dans le magasin et, sur ses conseils,
parvient à convaincre le capitaine d'acheter une sculpture en forme de H,
Ramo était accompagné de M. Fourcart, le propriétaire d’une galerie,
qui a reconnu puis a discuté avec le capitaine
le soir, au téléphone, ce monsieur téléphone au jeune reporter
pour fixer un rendez-vous le lendemain en fin d'après-midi,
mais ne sera finalement pas présent au lieu-dit.
pendant ce temps là, un expert du domaine des arts,
Jacques Monastir, disparaît mystérieusement
tandis que l'émir Ben Kalish Ezab, également en déplacement en Europe,
a l'intention de créer un musée dans le domaine de la raffinerie,
monsieur Foucart est annoncé mort le lendemain du rendez-vous
des suites d'un accident de voiture selon la presse
Tintin décide de mener l'enquête et questionne
Mademoiselle Martine, l’hôtesse de la galerie,
dans une discussion enregistrée sur un magnétophone,
puis il interroge le garagiste,
ce dernier parle d'une petite tache d’huile et indique
que l'accident s'est déroulé entre Leignault et Marmont,
sur place, Tintin découvre qu'une voiture a fait une queue de poisson
pour obliger un autre véhicule à s'arrêter
ainsi qu'une longue tache d’huile, et il est pourchassé
sans succès par une Mercedes noire,
l'hypothèse d'un crime commence à naître dans la tête du journaliste
et se renforce lorsque les deux personnes à bord laissent
à terre un pistolet-mitrailleur, Tintin soupçonne
Martine d'être à l'origine de la poursuite avant de se rétracter;
après avoir questionné de nouveau l’hôtesse, il découvre
une affiche annonçant une conférence du mage Endaddine Akass,
portant sur son cou le même bijou que Martine,
également présente ce soir-là;
ce bijou en or est en réalité une autre œuvre de Ramo Nash.
le lendemain, Tintin annonce à l’hôtesse qu'il se rend
dans l'usine de Fréaux et, sur place, est surpris
par trois malfaiteurs, dont l'un parvient à l'assommer
Tintin se réveille dans un lit d’hôpital, il sort le lendemain
et se dirige vers l'immeuble occupant la galerie pour soi-disant
questionner les occupants et tombe sur l'assistant du mage
le jour suivant, il est de nouveau pris en chasse
par des malfaiteurs en voiture, ce qui le pousse
à enquêter plus en détail sur cet Endaddine Akass

en compagnie du capitaine, il se rend à l'île d'Ischia,
et plus particulièrement à la villa del Signor Endaddine Akass
où il retrouve Ramo Nash en compagnie d'une autre femme
le jeune reporter souhaite se rendre dans cette demeure,
mais un coup de téléphone anonyme lui conseille
de quitter au plus vite l'île,
un second coup de fil survient, il s'agit de Bianca Castafiore
qui souhaite inviter le jeune journaliste
et son marin barbu en compagnie de Endaddine, ce dernier accepte,
après cette réception, Tintin, qui est logé dans la villa,
est réveillé par des bruits de camionnettes
étonné, il décide d'explorer la villa,
c'est alors que Tintin découvre un trafic de faux tableaux
étroitement lié à cette étrange secte, et se retrouve
pris au piège par Endaddine, ce dernier avoue être
à l'origine des meurtres de Foucart et de Jacques Monastir

cette ultime aventure n’a jamais été terminée,
car plusieurs évènements vont occuper le dessinateur
et il manquera de temps pour la conception de l'album:
la présidence du jury du festival international
de la bande dessinée d'Angoulême en janvier 1977,
son sacre d'officier de l'ordre de la Couronne
par Baudouin de Belgique à la fin 1978,
la commémoration du cinquantième anniversaire
des aventures de Tintin en 1979
et la dégradation de son état de santé durant les années 1980
qui l'emportera le 3 mars 1983

en 1986, Casterman publie un album comportant
deux cahiers parallèles:
l’un réunit une large sélection des notes et esquisses d’Hergé,
l’autre présente une transcription aussi lisible que possible
la dernière esquisse est composée en dernier plan
d'une suite incomplète de quatre cases, plus de la moitié
de la feuille était vide et la dernière case de cet album montre
Tintin, menacé par un pistolet, conduit vers un lieu
où l’un de ses ennemis veut le couler en statue abstraite,
une œuvre qui sera vendue à un musée et qui,
selon le mage, s'intitulera "reporter"

de plus, en décembre 1982, le dessinateur prononce ces propos:
"je ne peux malheureusement pas dire grand-chose
de cette future aventure de Tintin,
parce qu'il y a trois ans que je l'ai commencée,
que j'ai peu eu le loisir d'y travailler
et que je ne sais pas encore comment l'histoire va évoluer"

la réédition de l'album le 10 janvier 2004, à l’occasion des 75 ans
de la première apparition de Tintin dans une bande dessinée publiée,
a cependant permis de retrouver dans les archives de Georges Remi
de nouvelles pages qui montrent l'avancée du synopsis
si officiellement aucune indication précise comment Tintin
parviendra à s’échapper, plusieurs hypothèses sont émises:
un trou caché au-dessus du mur de la pièce
ou un sauvetage par l'intermédiaire de Milou
qui parvient à ronger les liens du reporter
ou encore de Haddock, Tournesol, ou un tout autre personnage,
elles évoquent également d'autres pistes pour l'intrigue
qui plongent Tintin à nouveau dans le trafic de drogues
lors de sa rencontre avec Ramo Nash, Archibald Haddock éprouvera
un attachement particulier envers l'artiste
qui, par la suite, se ressentira dans son vocabulaire,
ses habitudes et sa manière de s’habiller:
achat de sculptures et de peintures, pratique de la guitare, etc
c'est finalement le professeur Tournesol qui permettra au capitaine
de retrouver son caractère de l'ancien temps,
et notamment le goût du whisky, mais à la suite des essais,
le capitaine perd sa chevelure et sa barbe
Hergé souhaitait que le professeur redevienne
l’inventeur aux multiples catastrophes,
comme dans l'affaire Tournesol

des documents préparatoires des Picaros
tels qu’ils ont été publiés par Philippe Goddin,
confirment que l'album pouvait subir de nombreux changements
c’est pourquoi l’Alph-Art n'est peut'être pas
une véritable aventure de Tintin,
dès le décès d’Hergé en 1983, l’Alph-Art devient sujet
de débats au sein de ses collaborateurs,
Hergé a affirmé à plusieurs reprises, notamment à Numa Sadoul,
qu'il ne souhaite pas que son œuvre soit poursuivie par un autre
le dessinateur explique qu'il existe des centaines de milliers
de choses que ses collaborateurs ne peuvent pas faire
sans son aide, déclarant notamment:
"mais faire vivre Tintin, faire vivre Haddock, Tournesol,
les Dupondt, tous les autres, je crois
que je suis le seul à pouvoir le faire: Tintin, c'est moi,
comme Flaubert disait: "Madame Bovary, c'est moi"

toutefois de nombreux collaborateurs de Hergé
rêvent que le personnage de Tintin soit repris.
parmi eux, Bob de Moor est capable d’imiter
remarquablement les dessins du maître
et il espère au moins terminer cette aventure de Tintin
dont Hergé lui a convenu qu'ils l'achèveraient ensemble,
et après hésitation, Fanny Rodwell, seconde épouse
du dessinateur depuis fin 1950, devenue la légataire universelle,
lui transmet les documents, toutefois le scénario doit être achevé,
car l’histoire n’a pas de fin et même la partie déjà écrite
devrait être améliorée et remise en ordre
finalement, Fanny renonce à faire achever Tintin et l'Alph-Art
par De Moor sur le conseil de quelques proches,
notamment Benoît Peeters et Pierre Sterckx,
frappés par cet inachèvement profond du scénario et l'absence
de concrétisation graphique, hormis pour les trois premières pages

le mage Endaddine Akass fait partie des clés de l'intrigue d'Hergé.
ce personnage mystérieux, également magnétiseur et gourou
dont fait mention la Castafiore au début de l'histoire,
fait officiellement son apparition à la page 22
il est à l'origine de ce trafic de faux tableaux de maîtres de l'art
que Tintin découvrira dans les dernières esquisses
selon Hergé, il confie ce travail à Ramo Nash, créateur de l'Alph-Art,
qui acquiert un atelier de fabrication à la chaîne de ces faux tableaux
ces derniers seront vendus dans le futur musée
de l’émir Ben Kalish Ezab avec de faux certificats d'authenticité,
ce personnage rappelle cependant quelque chose à Tintin
tout au long de cette aventure: ses gestes, sa voix lui sont familiers,
la seule piste existante provient des planches retrouvées
et publiées dans la version de 2004, elles révèlent
que l'identité réelle du mage est Roberto Rastapopoulos
les deux personnes se retrouvent de nouveau
face à face deux albums après vol 714 pour Sydney
où Tintin se retrouve piégé dans une île indonésienne

des personnages plus secondaires font également leur apparition:
- Fleurotte, garagiste de Fourcart
- Marcel Fourcart, expert d’art
- Thomas d’Hartimont, journaliste
- madame Laijot, comptable de la galerie Fourcart
- madame Tricot, veuve vivant dans le même immeuble
que Thomas d’Hartimont,
- Martine Vandezande, secrétaire et hôtesse d'accueil
de la galerie Foucart

l’album se compose de quarante-deux esquisses
dessinées au crayon et au stylo à bille noir
et soulignées au feutre de diverses couleurs, principalement en rouge
les premières, très travaillées, sont certifiées
comme pratiquement prêtes pour la mise à l'encre définitive
tandis que les suivantes sont à l'état d’ébauche,
certaines existant en plusieurs versions possibles par Hergé
mais cette mise en brouillon n’a pas seulement des défauts

pour Micheal Farr, les esquisses les moins élaborées ont également
le trait d’une vie et une "électricité" qui permet de distinguer Hergé
des grandes personnalités de la bande dessinée franco-belge,
de ce fait, l’album, selon son point de vue,
avait la promesse d’être l'un des plus réussis
parmi les œuvres des vingt dernières années (n.b. par forcément!!)

le milieu des années 1970 est le début
d'un mouvement antisectes plus vaste en Europe occidentale,
notamment avec la création du réseau Cult Awareness Network
en novembre 1982, le magazine Paris Match consacre dans son édition
un article sur le gourou indien Bhagwan Shree Rajneesh,
fondateur d'un mouvement sectaire appelé la "méditation dynamique"
Hergé s'inspirera notamment d'une photo où l'on voit
ce maître spirituel et ses fidèles portant collier

concernant le trafic de faux tableaux, Hergé a retracé l'histoire
de Fernand Legros, un grand marchand d'art américain d'origine française
connu pour la vente de faux tableaux,
notamment un Toulouse-Lautrec au cours de l'année 1963
l'artiste, par la suite, fait l'objet de nombreuses plaintes en justice
et est condamné, en 1979, à deux ans de prison ferme
les portraits préparatoires d'Endaddine Akass montrent une similitude
entre ce dernier et le chapeau, la barbe et les lunettes de soleil de l’escroc

plusieurs lecteurs inconsolables décident d’achever
complètement ou partiellement l’album,
certains pour se faire de l’argent
sur le dos des tintinophiles déçus, d’autres par passion;
parmi les nombreuses reprises et adaptations,
on peut noter celles de Ramo Nash, Yves Rodier,
Régric et Serge Bouillet
la plus fidèle au style d'Hergé est sans doute
la version proposée par Yves Rodier,
dont l’Alph-Art est très apprécié des tintinophiles,
Bob De Moor lui-même fut impressionné par le travail
de ce dessinateur débutant
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