Bande à Bonnot (la)

série: Polar
dessinateur / scénariste: Clavé+Godard
éditeur: Glénat EO 1982
genre: Policier
classement: biblio611
date: 1982
format: cartonné, noir&blanc
état: TBE/N
valeur: 10 €
critère: **
remarques: Choisy-le-Roi, 28 avril 1912: l'anarchiste Jules Bonnot est abattu
par la police, dans le matelas où il s'était enroulé pour se dissimuler,
un an après, en trois coups de guillotines,
la justice mettait légalement fin à la sanglante aventure des "bandits en auto",
cette célèbre bande à Bonnot qui fut et reste
l'un des groupes anarcho-révolutionnaire les plus actifs
et les plus violents du siècle



>>> à partir d'une documentation extrêmement précise,
Godard a bâti un scénario vivant, détaillé, chaleureux,
s'attachant à replacer le phénomène dans un contexte politique et social,
et à dégager la vérité humaine qui réside peut-être
derrière les bombes de la bande à Bonnot,
et ce récit, Clavé le réalise avec le style qui a fait sa réputation,
tout en vigueur, en compositions exemplaires,
avec un art consommé du noir et blanc qui convient parfaitement à ce récit
à lire plus bas: le siège formidable nécessité pour arrêter
les bandits et une cavalcade incroyable à travers la France


n.b. en fin d'album présentation de la collection bulle noire,
une collection 100% polar publiée par Glénat constituée de 28 séries:
- docteur Monge (Chabbert+Bardet), 6 albums
- Mandrill (Baruti+Giroud), 7 albums
- Gil St-André (Vallée+Kraehn), 11 albums
- Frank Lincoln (Marc Bourgne), 6 albums
- Bleu Lézard (Benoit Roels), 6 albums
- Lipstick (Dominique David), 4 albums
- les filles d'Aphrodite (Taymans+Jamar), 3 albums
- Celadon Run (Klimos+Arnoux), 4 albums
- Zambada (Maltaite+Autheman), 4 albums
- 6 jours et mourir (Nicaise+Dieter), 2 albums
- Oki, souvenirs d'une jeune fille au pair (Juszezak+Godard), 6 albums
- le Cybertueur (Plumail+Godard), 5 albums
- une folie très ordinaire (Bonnet+Godard), 4 albums
- la mémoire des ogres (Marivain+Cothias), 5 albums
- Intox (Mangin+Chaillet), 5 albums
- Macadam (Fabien Lacaf), 3 albums
- Barbara Wolf (Marivain+Maingoval), 3 albums
- commissaire Soubeyran (Nawa+Corteggiani), 2 albums
- l'empreinte de Satan (Ziane+Maingoval), 2 albums
- ennui mortel (Lax+Aubrun), 1 album
- Evropa (TBC), 2 albums
- mortelle Riviera (Legrain+Bartoll), 3 albums
- Outsiders (Miniac+Rivière), 3 albums
- le principe de l'enfer (Michaud+Carré), 2 albums
- Red River hotel (Constant+Cornette), 3 albums
- relations publiques (Frisano+Maric), 2 albums
- Sam Pezzo, les enquêtes de (Vittorio Giardino), 4 albums
- la vie en rose (Nicaise+Dieter), 3 albums

une collection impressionnante, mais
l'album "la bande à Bonnot" dans cette même collection
n'est pas mentionné comme série mais comme album unique,
toutefois il y a une parution en 2018 d'un album couleur
la bande à Bonnot par Futaki+Morvan aux éditions Glénat
(mais un album moins bon que celui de Clavé malgré la couleur)


Information
Jules Joseph Bonnot est un anarchiste français,
né le 14 octobre 1876 à Pont-de-Roide (Doubs) et mort le 28 avril 1912
(à 35 ans) dans le 4e arrondissement de Paris,
il fut le meneur de ce que la presse appela la "bande à Bonnot",
un groupe illégaliste ayant multiplié les braquages
et les meurtres en 1911 et 1912

héritier des Apaches, c’est à la Belle Époque
que Bonnot commence à militer pour l’anarchisme,
il se fait renvoyer des chemins de fer de Bellegarde
à la suite de son engagement syndical et politique,
désormais plus personne n’accepte de l’engager,
il décide alors de partir pour la Suisse,
il trouve un poste de mécanicien à Genève
et sa femme Sophie tombe enceinte,
mais l’enfant, Émilie, meurt quelques jours après l’accouchement,
Bonnot milite toujours pour l’anarchisme et acquiert
une réputation d’agitateur, il est alors expulsé de Suisse

ses dons en mécanique lui permettent cependant de retrouver rapidement
un emploi chez le grand constructeur automobile Berliet de Lyon,
le 23 février 1904 sa femme accouche d’un second enfant, Louis Justin,
les convictions politiques de Bonnot restent vivaces:
dénonçant les injustices et menant des grèves, il s’attire les foudres des patrons,
il décide alors de quitter Lyon pour Saint-Étienne,
dès cette époque, il est fiché par la police comme "très violent et méchant"

à Saint-Étienne, il est mécanicien dans une firme reconnue,
il loge avec sa famille chez le secrétaire de son syndicat,
un certain Benoit Antoine Besson, qui devient l’amant de sa femme,
pour échapper à la colère de Bonnot,
Besson part en Suisse avec Sophie et son fils,
Jules adresse à Sophie des messages désespérés,
en vain. Il ne reverra plus sa femme ni son fils
(un décret présidentiel du 30 mars 1925 homologué par ordonnance
du président du tribunal civil de Lyon du 31 mai 1926
obligea Louis Justin à adopter le patronyme de "Besson" à la place de Bonnot)
quant à Bonnot, son engagement est toujours plus fort,
il perd son emploi et devient, comme bien d’autres à cette époque,
un chômeur miséreux.

de 1906 à 1907, il commet quelques casses avec Joseph Platano (1883-1911),
son bras droit, un boulanger italien originaire de Poneragno,
Bonnot s'exerce notamment à l'ouverture de coffres-forts,
ce qui lui permet d'ouvrir deux ateliers de mécanique à Lyon,
les voitures et motos qu'il répare lui permettront
la nuit de réaliser ses braquages,
en 1910, il se rend à Londres pour y rencontrer des cellules anarchistes
et serait selon la légende devenu le chauffeur de Sir Arthur Conan Doyle
(ou d'Ashton Wolfe, ami et collaborateur du romancier),
grâce à ses talents de chauffeur qui lui seront plus qu’utiles
dans son aventure illégaliste,
signalons que ce fait est controversé: certaines biographies de Bonnot
y font bien référence, mais aucune de Conan Doyle ne confirme ce point,
Edmond Locard rapporte, quant à lui, que Conan Doyle,
alors qu'il visitait son laboratoire de police scientifique à Lyon,
tomba en arrêt devant un portrait et s'écria:
"mais c'est Jules, mon ancien chauffeur"

fin 1910 de retour à Lyon, Bonnot il utilise l’automobile (une De Dion-Bouton)
comme technique criminelle, une innovation,
alors que les policiers et gendarmes se déplacent encore à cheval ou à vélo

la police le recherche et il quitte précipitamment Lyon avec Platano pour Paris,
en cours de route, il tue Platano dans des circonstances qui restent peu claires:
selon la version qu’il donnera à ses futurs complices,
Platano se serait grièvement blessé avec son revolver par accident,
et il l’aurait achevé pour lui éviter de souffrir,
comme le note Alphonse Boudard, Bonnot ne pouvait donner d’autre version,
d’autant plus que Platano était sa caution auprès des anarchistes parisiens,
Bonnot ayant récupéré une forte somme d’argent que Platano,
à la tête d'un héritage de 27'000 francs, portait sur lui,
l’hypothèse d’un meurtre prémédité ne peut être écartée

fin novembre 1911, Bonnot rencontre au siège du journal l'Anarchie,
dirigé par Victor Serge, plusieurs sympathisants anarchistes
qui vont devenir ses complices, dont les deux principaux:
Octave Garnier et Raymond Callemin dit "Raymond-la-science",
d’autres qui joueront un rôle moindre dans l’affaire,
Étienne Monier dit "Simentoff", Édouard Carouy, André Soudy,
ainsi qu’Eugène Dieudonné, dont le rôle exact n’a jamais réellement été établi,
adeptes de la reprise individuelle, tous ont déjà commis de menus larcins,
et brûlent de passer à l’étape supérieure,
l’arrivée de Bonnot joue un rôle de déclencheur,
bien que l’idée de chef répugne aux anarchistes,
Bonnot, plus âgé, plus expérimenté dans le crime,
va virtuellement jouer ce rôle

après un dernier braquage, la police va progressivement
mettre fin aux activités de la bande,
le 30 mars 1912, Soudy est arrêté, le 4 avril 1912, c’est le tour de Carouy,
le 7 avril 1912, les policiers capturent Callemin,
l’un des protagonistes les plus importants avec Garnier et Bonnot,
le 24 avril 1912, Monier est également arrêté,

le 24 avril 1912, Louis-François Jouin, sous-chef de la Sûreté nationale
qui est chargé de l’affaire, effectue une perquisition
au 63, Rue de Paris à Ivry-sur-Seine, au domicile d’un sympathisant anarchiste,
dans la chambre plongée dans la pénombre, il a la surprise de reconnaître Bonnot,
qui le tue à coup de revolver puis parvient à s’enfuir,
blessé à la main au cours de la fusillade,
Bonnot se rend chez un pharmacien pour se faire soigner,
il explique au pharmacien qu’il est tombé d’une échelle,
mais celui-ci fait le rapprochement avec l’affaire d’Ivry
et prévient les autorités,
la police peut ainsi avoir une idée approximative de l’endroit
où se trouve Bonnot et passe la région au peigne fin,
le 27 avril 1912, elle le surprend dans sa cachette de Choisy-le-Roi,
le pavillon "nid rouge" où il est hébergé
par un autre membre du mouvement anarchiste, le garagiste Jean Dubois,
Bonnot a le temps de se retrancher au premier étage de la maison
et se barricader, si bien que le chef de la Sûreté préfère faire
cerner les alentours et attendre les renforts plutôt que de donner l’assaut
un long siège commence, mené en personne par le préfet de police,
Louis Lépine et sous le commandement du capitaine Pierre Riondet
et du lieutenant Félix Fontan de la garde républicaine,
de plus en plus de troupes diverses arrivent
(jusqu’à un régiment de Zouaves avec sa mitrailleuse Hotchkiss dernier cri),
ainsi que de nombreux badauds venus assister au "spectacle",
Bonnot sort de temps en temps sur le perron pour tirer sur ses ennemis;
il est évidemment accueilli par des salves de tir
mais parvient à chaque fois à s’en sortir indemne,
tandis que le temps passe et que la police tergiverse
sur la façon de mettre fin au siège, il se désintéresse peu à peu de ses assaillants
pour se mettre à écrire son testament,
finalement, le lieutenant Félix Fontan décide de faire sauter la maison:
progressant à l'abri d'une charrette de paille dont le cheval recule,
il peut déposer une charge de dynamite puis,
une cartouche à la main et le cordon Bickford de l'autre,
la faire exploser,
grièvement blessé dans l’explosion, Bonnot prend encore le temps
de terminer son testament en affirmant l’innocence
de plusieurs personnes dont Dieudonné,
lorsque les policiers emmenés par Guichard donnent l’assaut,
il parvient encore à les accueillir à coup de revolver
avant d’être blessé,
il décède peu après en arrivant à l’Hôtel-Dieu de Paris

après Bonnot, les deux derniers membres de la bande en liberté
sont Valet et surtout Garnier, auteur de la plupart des meurtres,
le 14 mai 1912, ils sont localisés dans un pavillon de Nogent-sur-Marne,
les policiers espèrent réaliser une arrestation "en douceur",
mais manquant de discrétion, ils sont repérés par Valet et Garnier
qui se retranchent dans la maison, un nouveau siège commence,
pratiquement identique à celui de Choisy,
avec un très grand nombre de policiers et militaires
et une foule de badauds venue suivre les opérations,
pendant plus de 9 heures, Valet et Garnier tiennent en respect
une petite armée de forces de l’ordre,
du haut du viaduc, Kling, le directeur du laboratoire municipal de chimie,
jette des paquets explosifs de mélinite, en vain,
finalement, un régiment de dragons parvient à faire sauter la villa,
la police, ayant donné l’assaut, achève les deux hommes
et doit ensuite se battre avec la foule pour récupérer les corps
que celle-ci voulait réduire en bouillie


le procès des membres survivants de la bande à Bonnot a lieu en février 1913,
les principaux accusés sont Callemin, Carouy, Metge, Soudy, Monier,
Dieudonné, Victor Serge, auxquels s’ajoutent diverses personnes accusées
d’avoir aidé la bande à différents titres,
Callemin est le principal membre survivant;
il utilise le tribunal comme une tribune pour exprimer sa révolte,
il nie les faits qui lui sont reprochés, mais de telle façon
qu’il ne laisse guère de doute sur sa culpabilité,
Carouy et Metge sont surtout jugés pour le double meurtre de Thiais;
ils nient mais leurs empreintes digitales les accusent sans équivoque,
à Monier et Soudy est reprochée leur participation au braquage de Chantilly,
dont les témoins les reconnaissent formellement,
Victor Serge est présenté au début du procès comme la tête pensante de la bande,
ce qu’il nie énergiquement, montrant qu’il n’a à aucun moment profité de leurs vols
le seul cas véritablement douteux est celui de Dieudonné,
accusé de participation au braquage de la rue Ordener,
Bonnot et Garnier ont affirmé son innocence avant de mourir,
Dieudonné dispose de plus d’un alibi étayé de preuves,
montrant qu’il était à Nancy au moment des faits,
contre lui pèsent les témoignages de plusieurs témoins,
dont celui de l’encaisseur de recettes dévalisé par la bande

à l’issue du procès, Callemin, Monier, Soudy et Dieudonné sont condamnés à mort,
Carouy et Metge sont condamnés aux travaux forcés à perpétuité
(Carouy se suicidera par la suite dans sa cellule),
Victor Serge est condamné à 5 ans de prison; il est parvenu à se disculper
de l’accusation d’avoir été le "cerveau" de la bande à Bonnot,
mais est condamné pour les revolvers
retrouvés à son domicile au cours de son arrestation,
David Bélonie est condamné à 4 ans de prison et 10 ans d'interdiction de séjour
à l’annonce du verdict, Callemin prend la parole,
alors qu’au cours des débats il avait nié avoir participé au braquage de la rue Ordener,
il s’accuse, et affirme que Dieudonné est innocent,
cette déclaration va être utilisée par le défenseur de Dieudonné,
maître Vincent de Moro Giafferi, pour présenter un recours en grâce
auprès du président Raymond Poincaré,
celui-ci commue la peine de Dieudonné en travaux forcés à perpétuité,
quant aux trois autres condamnés à la peine capitale,
ils sont guillotinés le 21 avril 1913, devant la prison de la Santé à Paris

le député et romancier nationaliste Maurice Barrès prit prétexte de l'affaire Bonnot
pour refuser le 10 juin 1912, à la Chambre, les crédits
que le gouvernement radical-socialiste voulait allouer
à la célébration du bicentenaire de la naissance de Jean-Jacques Rousseau,
en rapprochant la pensée politique de celui-ci des théories anarchistes,
son discours fut repris par tous les journaux de droite d'alors
et eut un retentissement national,
on trouve la trace de l'importance quasi-mythique
que prirent les exploits de la bande à Bonnot
aussi bien chez les écrivains surréalistes des années 1920
(Aragon dans le libertinage et plus tard, dans les Cloches de Bâle),
que chez Cendrars (Moravagine, dont le narrateur se nomme Raymond la Science)
ou Armen Ohanian (dans les griffes de la civilisation)

un peu plus d’un demi-siècle plus tard, en mai 1968,
la salle Cavaillès de la Sorbonne fut rebaptisée salle Jules-Bonnot
par les membres du Comité d’occupation de ce bâtiment,
"enragés", anarchistes et situationnistes pour la plupart,
Jean-Marc Rouillan rend hommage au célèbre bandit
dans sa lettre à Jules en 2004 et l'évoque dans le tome 3 de ses mémoires

n.b. selon Godard, Dieudonné condamné aux travaux forcés à perpétuité,
restera 14 ans en Guyane avant de s'évader à travers les forêts brésiliennes,
Albert Londres, le célèbre écrivain journaliste fit une campagne en sa faveur
et obtint sa grâce, Dieudonné put rentrer en France
mais alors qui était le "quatrième homme" des bandits en auto?

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