le grand pouvoir du Chninkel

série: Chninkel (le)
dessinateur / scénariste: Rosinski+van Hamme
éditeur: Casterman EO 2006
genre: Heroic-Fantasy
classement: biblio103
date: 2006
format: cartonné
état: TBE
valeur: 20 €
critère: ***
remarques: réédition en couleur de l'album broché en N&B de 1988,
cet album est un intégral divisé en 3 épisodes
avec une superbe couverture pour chaque tome et épisode
+ de nombreux croquis de Rosinski à la fin de l'album

le Grand Pouvoir du Chninkel est une bande dessinée de high fantasy
de Jean Van Hamme (scénario) et Grzegorz Rosiński (dessin),
initialement publiée par épisodes dans la revue (À suivre) en 1986,
puis en un tome noir et blanc,
avant d'être republiée en trois volumes coloriés par Graza

A/ le Commandement 1/ J'on 2/ Bom-Bom 3/ G'Wel
B/ le Choisi 1/ Maelar 2/ Sualtam 3/ Volga
C/ le Jugement 1/ Jargoth, le parfumé 2/ Zembria, la borgne
3/ Barr-Find, la main noire 4/ U'n le dieu cruel

le Chninkel rappelle beaucoup le hobbit de Tolkien, il vit sur la planète Daar
où règne la guerre entre les 3 immortels,
U'N le dieu cruel est lassé par cette guerre et ordonne au Chninkel
de faire cesser cette guerre en lui transmettant un (faux) grand pouvoir.
Après bien des mésaventures, avec sa compagne G'wel,
le Chninkel réussira dans sa mission
mais devra se sacrifier en pardonnant à à ses exécuteurs

d'abord J'On le chninkel aura affaire aux cruels nain kolds
où il délivrera sa première disciple, la jolie G'Wel,
puis il doit se rendre au Mag Mel consulter le sage Sualtam (un vieil arbre)
et la devineresse Volga qui lui procure en premier temps
un talisman avec lequel J'On disposera de grands pouvoirs
(plus efficaces que le grand pouvoir!)
mais Volga reprendra un peu plus tard son talisman
et J'On sera seul à affronter les trois immortels:
Zembria la cyclope, Barr-Find main noir et Jargoth le parfumé

>> p. 80 l'histoire et les origines de la planète Daar
avec le peuple des chninkels que U'N punira pour avoir
adoré l'un de leurs rois (N'ÔM l'Hérésiarque) comme un dieu,
la colère du maître créateur fut effroyable et s'abattit
en force sur la planète Daar laissant celle-ci dans le chaos le plus total,
ainsi naquit la guerre et débuta le long esclavage du peuple chninkel
qui ne cesse depuis d'expier la terrible faute de ses ancêtres


>> un très bon scénario de van Hamme qui se réfère à la bible,
le Chninkel devant remplir une mission messianique
tout comme Jésus en mourant sur la croix,
la paix reviendra quand les trois unira (les trois immortels),
Van Hamme se livre en même temps à des commentaires sur l'existence de Dieu
et la création du monde avec un graphisme superbe par Rosinski,

>> néanmoins le graphisme N&B de la première édition
présente un dessin plus saisissant avec des contrastes
plus intéressants que la version couleur
(voir la première édition)

annexes
- couverture de l'album
- première couverture: le commandement
- deuxième couverture: le choisi
- troisième couverture: le jugement
- la jolie petite G'Wel

Information
l'univers de l'histoire est inventé pour le récit,
mais s'inscrit dans la tradition de la fantaisie héroïque,
Van Hamme parle lui-même d'un "univers de type Tolkien",
les éléments de scénario sont caractéristiques d'un tel univers:
un héros faible et opprimé, des races qui se combattent, une quête, des prophéties, etc.

la trame principale du récit est une "version décalée du Nouveau Testament"
lui empruntant de nombreuses scènes (la trinité, le Messie, miracles,
hésitation dans le désert, rejet et condamnation à mort par les siens,
sainte Cène (page 69), trahison par un proche, crucifixion, etc.)
tout en évitant ce qui aurait pu transformer cette bande dessinée
en insipide et très prétentieux brouet néo-chrétien

l'humour joue un rôle important, par exemple quand G'wel et J'on
sont en permanence arrêtés au moment où ils allaient s'unir,
Volga la devineresse ne peut faire des prophéties
qu'en "état d'extase" (orgasme sexuel),
ShumShum rappelle le Nestor de Tintin, etc.
la forte présence de scènes dénudées et érotiques joue elle aussi
en défaveur d'une interprétation évangélique du Chninkel,
le dessin même de Rosiński, d'un réalisme fouillé et foisonnant,
genre baroque, tout en présentant des personnages très attachants,
s'inscrit dans la lignée de l'illustration de fantaisie héroïque,
peu susceptible d'être qualifiée de prosélyte

enfin, dans la conclusion de l'histoire, Van Hamme,
tout en posant l'existence d'un dieu omniscient, aux caractéristiques bibliques,
"en vérité, U'N est un maître jaloux et rancunier"
faisant écho au à l'Éternel, ton dieu, un dieu jaloux" de la Bible de l'Ancien testament;
il est décrit ici comme totalement indifférent au monde qu'il a créé,
qui se révèle être la Terre à la toute fin de l'histoire
(U'N n'a pas détruit notre monde, mais il a fait pire encore: il l'a oublié)
cette indifférence divine vis-à-vis de sa créature rompt radicalement l'analogie
avec le Dieu de la Bible (Ancien ou Nouveau Testament)
qui y est présenté comme révélant son identité dans la miséricorde,
ainsi, Le Grand Pouvoir du Chninkel est-il plutôt
une réinterprétation très contemporaine et désabusée du phénomène religieux,
un évangile désenchanté, proche des mythes gnostiques

dans la forme, le dieu est une référence évidente à 2001, l'Odyssée de l'espace,
la fin pourrait d'ailleurs laisser entendre que la BD est une préquelle du film de 2001
car alors que le dernier témoin de l'histoire principale n'est plus,
des australopithèques s'agitent autour du monolithe,
comme dans la scène au début du film
et tout laisse à penser que ce qui reste de cette planète
après le déluge n'est autre que la Terre


couvertures:
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